Déserts médicaux : faut-il restreindre la liberté d’installation des médecins ?

02 juin 2025


Début mai, les députés ont voté une proposition de loi visant à réguler davantage la liberté d’installation des médecins. Elle doit désormais être examinée au Sénat. Si elle est favorable à l’émergence d’une structure chargée de la gouvernance de l’installation des médecins, la CFTC doute que les mesures prévues par ce texte puissent permettre de lutter plus efficacement contre les déserts médicaux. Explications avec Léonard Guillemot, chef de file sur les questions assurance maladie et représentant CFTC au Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

Pour comprendre ce qui a provoqué cette pénurie de médecins généralistes, il faut revenir aux décisions qui ont été prises dans les années 1990. A l’époque, pour réguler le système de soins et faire en sorte de limiter les dépenses, on a joué sur une raréfaction de l’offre médicale. Le ministre de la santé fixait notamment le nombre d’étudiants pouvant accéder à la 2e année de médecine, via un numérus clausus très restrictif qui limitait donc à échéance de 10 ans le nombre de médecins (NDLR : il faut entre 8 et 10 ans pour former un médecin). En substance, on se disait que moins de médecins, c’était moins d’ordonnances délivrées et donc moins de remboursements à effectuer pour l’assurance maladie. Les médecins, de leur côté, devaient aussi y gagner, puisqu’ils faisaient face à moins de concurrence.

Tout ceci répondait néanmoins à une logique court-termiste, qui ne tenait nullement compte des enjeux sanitaires, dans les 10 à 15 ans à venir. Cela a abouti à la pénurie de médecins de ville, qu’on connait actuellement. Entre temps, plusieurs mesures ont été déployées pour inciter les médecins à s’installer dans les déserts médicaux, mais elles restent assez légères, voire plutôt cosmétiques. Elles ne pèsent pas vraiment sur la décision d’installation des médecins.

Source : site confédéral CFTC



Oui, même si elle doit désormais être examinée au Sénat. Ce texte encadre strictement le droit d’installation des médecins: dans certaines zones géographiques, l’installation serait en effet octroyée par le biais d’une autorisation délivrée par l’Agence régionale de santé (ARS). Dans les territoires mieux pourvus, un médecin ne pourrait ainsi s’installer que lorsqu’un autre s’en irait. Ça, c’est pour la théorie. En pratique, on peut craindre que cette loi ne génère des effets pervers significatifs : il y a en effet un risque que les médecins se détournent de la médecine de ville, pour faire tout autre chose. Il y a plein de besoins, dans beaucoup de domaines : médecine esthétique, de santé au travail, au sein des complémentaires santé etc…

D’autre part, ça ne règle pas le problème de la pénurie d’offre médicale, dans son ensemble : elle est plus accentuée dans certaines zones géographiques, oui, mais aujourd’hui, il y a un manque de médecins partout, y compris dans les agglomérations.


Deux choses sont infinies : l'Univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l'Univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude absolue. Albert Einstein